mardi 2 décembre 2008

Comment j’ai piqué sa place au Dimanche

Il y a une semaine à peine chers lecteurs je pleurnichais face à l’injuste prise d’otage du samedi par le dimanche… Tel un dictateur sans état d’ame, Dimanche à la semaine derniere eu le culot effroyable de prendre la place de samedi et de s’affaler comme un gros porc sur les 24 heures normalement allouées au 6eme jour de la semaine.

J’ai attendu de voir si il allait se repentir et s’excuser en laissant au samedi sa place mais que dalle Monsieur est revenu comme si de rien n’etait et s’est à nouveau etalé sur 24 heures. Résultat : un week end pourri baignant dans 48 heures dominicales.

Moi j’ai fait comme si de rien n’était, je n’ai rien laisse transparaitre, j’ai fait comme si je n’avais meme pas remarqué et j’ai d’ailleurs bien senti que ca l’a perturbé au Dimanche que je fasse abstraction. Pour preuve de ma bonne foi et d’une possible compassion, j’ai meme epluché le calendrier de l’année pour voir si par hasard le Dimanche n’avait pas subi une entourloupe qui aurait justifié ce coup d’état… Si le 31 decembre était tombé un dimanche ou si, par exemple, un jour ferié s’était vu offrir le dimanche pour permettre aux gens de ne rien foutre, j’aurai compris l’aigreur de Mr D. Mais je n’ai rien trouvé, pas une once d’abus dans les 365 jours qui ont fait 2008.

Dimanche n’avait donc rien pour sa defense.

Rancuniere inveterée et quelque peu sadique, je préparais diaboliquement ma revanche.

J’ai fait ca bien, vicieusement, l’air de rien. Ca énerve.

L’air de rien, ca énerve toujours.

L’air de rien, j’ai donc fait sonner mon réveil ce matin à 8h !

Ah ah ah. Je me gausse.

Premiere offensive en fanfarre pour un jour qui pointe rarement le bout de son nez avant midi (c’est sans doute aussi pour ca qu’il s’est glissé dans le samedi, pour voir comment ca fait de se lever avant midi. Pas d’excuses quand meme.) Pris de court, le dimanche s’est precipité a toutes berzingues dehors et a rapidement lancé le soleil bien haut dans le ciel, histoire de…

Il a voulu me faire croire qu’il était debout depuis belle lurette mais je l’ai bien vu, moi, se precipiter dehors halletant et paniqué avec encore des cacas dans les yeux.

Cette journee s’annoncait delicieusement drole.

Je l’ai ensuite mis au tapis en galopant moi meme sur celui de la salle de sport.
Et le coup de grace, dont il faut bien l’avouer je suis assez fiere, fut le moment ou j’ai glissé sournoisement mon ordinateur dans son affreuse pochette. Pris d’un effroi divinement previsible, Mr D. se mit à transpirer d’epaisses gouttes qui firent de gros paf en s’écrasant sur le sol betonné de mon salon.

Vengeance faite, je me retrouvais neanmoins pour le deuxieme week end consécutif à contre sens. Je nageais encore une fois contre le vent, contre les vagues, contre les gens.

Et j’ai subi le fait de vivre un dimanche comme un lundi (apres je m‘arrete, je vous jure) et d’endurer ainsi le terrible calvaire de travailler le seul jour ou les familles sont de sortie.

Les accents catalans nostalgiques se sont donc mués en cris stridents suédois d’une mere hurlant sur sa progéniture qui en était elle meme à son 10ème jeter de cuillère metallique sur carrelage très bruyant.

Aie ma tete.

Mon Ipod salvateur a reglé le probleme et je me suis remise à tapoter sur mon ordinateur. J’étais là pour bosser. Vous l’auriez bien compris, le plus beau pied de nez que l’on puisse faire à un dimanche est sans aucun doute de le sacrifier (et de se sacrifier par la meme occasion. Le dimanche n’etant pas un rival facile, il faut aussi y laisser des plumes) en ne s’accordant aucun répis, aucun loisir, aucune inactivité.

5 heures de tapotage convulsif sur mon clavier devrait sacrement calmer les ardeurs de Mr D.
On ne l’entendait plus d’ailleurs, le bougre. A croire que le lever matinal et la séance de sport toute aussi matinale l’avaient deja bien abimé.

Le dimanche m’apparaissait bizarrement calme. Aurait- il accepté la perspective d’une defaite ?

Mouais. Pas convaincue.

Relans dominicaux comme ce couple là bas au fond du café.

Ils s’aimaient comme on ne peut s’aimer qu’un dimanche. Ils étaient confits de bonheur, s‘enivraient chacun du regard de l’autre. Témoin involontaire mais non moins curieux de leur roucoulade, je ressemblais tout d’un coup à un frustré sexuel se masturbant en matant à travers la serrure de la chambre de ses parents ceux-ci en train de besogner.

Il est parti aux WC et elle s’est effondrée comme ca, sans prevenir, l’air de rien elle aussi. Elle a fixé le mur face à elle, comme si plus elle regardait haut, plus elle pouvait reprendre ses esprits et respirer. Ils se sont lovés l’un contre l’autre, resignés, subissant la tristesse de la petite souris et se serrant l’un contre l’autre pour éviter que ce chagrin ne vienne tout tremper.

La nuit qui recouvre Shanghai, les bougies sur chaque table du café, les vieux tubes de mon adolescence en fond sonore et ce couple, ce couple, ce couple ! Amoureux, unis contre cette vague de chagrin et prets a l’assécher avec les notes rondes et dodues du vin tout rouge qu’ils sirotaient.

Effluves de nostalgie dominicale.

Ce n’était pas une fin de journée lambda. Mais bel et bien une fin de dimanche.

Le salaud.

vendredi 21 novembre 2008

Un samedi qui ressemble à un dimanche


Samedi s’est habillé en dimanche aujourd’hui et c’est fichtrement déstabilisant de devoir subir la morosité dominicale sans être passé par la légèreté adolescente du samedi.

Le dimanche n’est pas toujours morose, c’est vrai. Ce sont les samedis déguisés en dimanche dont il faut se méfier. Il est à peine 13h, je sens que la journée va mettre un temps colossal pour se terminer, les heures sont toutes blanches et dépassent lascivement de leur cadre. J’aime pas.
Pour couper court à tout risque de sombrer dans la morosité cafardeuse ambiante, j’ai filé au Starbucks. Dictature du bien vivre, c’est ce qu’il me fallait. Je suis collée à la vitre du fond, comme ça je peux observer le tourniquet du Ritz qui crache régulièrement ses clients. Dictature de l’argent, c’est ce qu’il me fallait aussi.
J’avoue, j’ai stoppé l’hémoragie avant qu’elle se mette à ne plus s’arreter. Je n’avais pas envie d’aller trifouiller le fond de mon cafard et d’en sortir des bouts visqueux de démons plus ou moins enterrés.

C’est ce que je fais quand même en écrivant, me direz-vous.
Allons bon.

D’autant que rien ne laissait présager un samedi grimé en dimanche, rien. Ça fait partie du jeu, sans doute. Le samedi se prépare pendant la nuit et paf on ouvre un œil, et le voilà qui se dévoile avec sa robe dominicale. Et il semblerait que cet ersatz de dimanche ait mis un point d’honneur à me coller aux baskets toute la journée. Tout le monde s’y est mis, sans exception. Le soleil et ses rayons dorés qui se sont faits la malle pour me cracher leur brume au visage, le café bouillant qui s’est renversé sur les murs immaculés de la cuisine, mon homme quittant la maison à l’aube pour retrouver cette solitude après laquelle il court sans arrêt, le lit qui refroidit, qui refroidit, qui refroidit…
Je ne suis pas gâtée. Enfin, si je le suis, et beaucoup d’ailleurs. Mais pas tellement aujourd’hui, je veux dire.

Parce que ça ne s’est pas arrêté la.

Quand je suis arrivée à l’Eurodisney de la caféine, deux espagnols étaient assis face à moi. Accents catalans. J’ai été propulsée dans le San Sebastian de mon enfance et d’un coup tout est remonté, l’odeur d’Armani sur les chemises blanches de mon père, le jazz du chemin aller et celui du retour, le bar en zinc que j’atteignais à peine… Le bouquet classique. Mes yeux se sont humidifiés, ça faisait longtemps. J’avais terriblement envie d’être avec les miens, de pouvoir m’asseoir dans un fauteuil chez mon père ou ma mère et humer cette odeur amniotique, sans rien faire. Ça manque toujours, tous les jours mais parfois plus terriblement que d’autres (sans doute encore un coup du samedi déguisé en dimanche).

Il n’est que 13h57, je vous l’avais dit, on va mettre une éternité à voir la nuit pointer son nez.

J’imagine qu’il y aura quand même une sorte de dédommagement compensatoire et que demain, dimanche va m’apparaître déguisé en samedi. C’est la moindre des choses, non ? J’estime que c’est le minimum et quand on y pense bien, on se dit que ce serait aussi plutôt fair play pour le samedi qui s’est salement fait piquer sa place par dimanche. Une bonne action donc pour moi et mon nouvel ami d’infortune, Mr Samedi.

Vous allez rigoler mais avec ce lot de nouvelles pensées et de nouveaux constats, j’ai reussi à tirer sur le temps et Ô joie, la nuit est déjà en train de faire de l’œil à Shanghai. Un des interêts de vivre ici est que la nuit se couche indécemment tôt, été comme hiver. Ca abrège le cafard et donne aux noctambules un espace de jeu infini.

On y est presque… Je vais même peut-être finir par vous dire que je dois y aller, que je n’ai plus le temps. Rassurée.

Il n’y a pas eu mort d’homme.
Juste une journée qui a pris le temps de s’étirer.

Et puis on aura tout le temps de paniquer quand tous les jours se ressembleront et porteront la meme robe elimée et grise de monotonie…

Oui, on aura tout le temps de paniquer quand le samedi ne nous fera plus la blague de se déguiser en dimanche.

Pix : Lucas Gurdjian

samedi 7 juin 2008

Nuits Sonores a Shanghai (pour Brain Mag)







Il était une fois une vague électrique, électronique et éclectique qui etait venue laver le Las Vegas chinois a coups de beats, de basses, de sourires et de vibes a vous donner l’envie de ne plus jamais vous arrêter de bouger.
Et je peux vous assurer qu’en tant que petite française expatriee, cette vague vous fait l’effet d’un vrai raz de maree.
Le raz de marée en question s’appelle Nuits Sonores et est un festival de musique électronique cree il y a 6 ans par l’association lyonnaise Arty Farty a l’initiative de Vincent Carry.
Depuis 6 ans, les plus grands noms de la scène électronique française et internationale sont venus chatouiller les platines des Nuits Sonores : Justice, Laurent Garnier, Carl Craig, Nathan Fake, Vitalic, The Hacker, Ricardo Villalobos, Francois K… Certains d’entre eux sont presque devenus résidents des Nuits Sonores comme Garnier qui ne rate pas une édition depuis 2005. Rien d’etonnant quand vous connaissez un tant soit peu l’equipe. Des organisateurs aux artistes, tout le monde parle de ce qu’il fait avec une passion devenue presque rare et une humilité devenue quasi inexistante. Aucune vantardise ni mépris dans leurs propos, simplement une foi immense en ce qu’ils font…
Devenu un rendez vous immanquable et sans chi chi, Nuits Sonores s’est offert pour son 6eme anniversaire un gâteau franco-chinois. Belle coïncidence a l’heure ou il ne fait pas bon d’etre français en Chine !
Arme d’un inconscient et involontaire drapeau blanc, le crew de Nuits Sonores a apporte la plus pacifique des armes : la musique soutenue par la plus belle des armées, livrant une nouvelle forme de guerre ou les ennemis deviennent logiquement les amis et ou les attaques ne sont la que pour apprendre au public a aimer et connaître un peu mieux la musique. Une guerre dédiée a l’union ou personne n’est perdant… Sauf peut être les sourds.
L’offensive éclata a 22h par le warm up de Jose Lagarellos qui transforma la ligne de front en ligne de basse et tout en douceur mit rapidement tout le monde au meme diapason. Ses grandes paluches titillèrent la table de mixage et lancerent au dance floor de langoureuses nappes qui firent sortir de leur tranchée le deuxième régiment : messieurs Agoria et Oxia.
Apres une offensive efficace, subtile et fédératrice l’artillerie lourde s’installa derrière les platines avec comme uniques munitions vinyls et CD.
Les nappes hachees de Domino de Oxia ont resonne sur le Bund en offrant a Shanghai et ses habitants toute l’absurdite dramatique et poétique de ce monde qui tourne a l’envers. Ce fut pour moi la plus douce et incisive des attaques, de celle qui vous noue les tripes, vous mouille les yeux et vous donne terriblement envie que tous les gens qui vous entourent,amis ou étrangers, soient touches par la meme grâce.
Puis ce fut au tour du général Agoria de nous prendre en otage et de nous amener dans les airs en laissant battre ses puissants kicks dans nos tympans. Nous braquant avec un set puissant, nuance et parfois jouissivement rugueux , il offrit aux Spitzer le meilleur des tapis rouges pour leur electro live.
Aux commandes de leurs chars sonores Oxia et Agoria finirent de balayer les derniers retiscents et les fantassins Spitzer purent tranquillement assener la foule de leur live électrifiant. Les tirs qu’ils lancèrent a bout portant ce soir la eurent le meme impact sur le public que sur eux. Stupefaits de pouvoir prendre leur pied dans un decor aussi improbable, les freres Bregere nous offrirent un set en crescendo, puissant et atomisant.
Aux commandes de cette armee sonore, un Vj set orchestre par melka du collectif PLAY dont les visuels s’adaptaient avec une fluidite evidente et un talent indeniable a chaque set. Ajustant son tir pour chacun de ses compatriotes, melka mitrailla en finesse le grand ecran dominant le Bund du haut de la terrasse du Bar Rouge ; et s’accorda une jouissive offensive de 5 heures.
Nous y sommes presque, la bataille est livree apres des heures de rafales musicales et de shoots visuels. Sur ce champ de bataille ou ne resonnent plus que quelques notes, l’artiste L1es nous livre un dernier coup de grace et laisse a Shanghai la plus belle des dedicaces. 24 heures deja avant le debut des hostilites, il etait venu en eclaireur et lanca le plus graphique des assauts en customisant integralement le club de ses tags. 24 heures apres le debut de la bataille, il revint sur les lieux du crime et clotura le festival d’une immense fresque realisee en live.
Voici donc l’histoire de la plus efficace, pacifique et artistique des missions. Les armures de chacun n’ont certes pas toutes ete aussi permeables pour les raisons que nous connaissons tous ; mais on avance tout doucement et le peuple chinois aura bientôt toute la liberte de penser cette musique qui vient de chez nous et de leur ailleurs.

Photos : Lucas Gurdjian