jeudi 8 novembre 2007

Trop blancs…

Ce soir, le temps d’une respiration suspendue dans les airs, Shanghai s’est offert un orgasme, un vrai, dense comme l’essence, envahissant et catapultant.
Pas de politesse ni d’entrée par la petite porte, cet orgasme avait du sang noir et des racines bien ancrees dans le sol, il a ejacule sur les pourcentages et les chiffres et les billets que la frange sale et petite des expats se plait a compter tous les jours n’ayant rien d’autre dans son coeur et dans ses mains.

Il a fait exploser les vitres des buildings, a reuni Puxi et Pudong en faisant sortir de ses gongs la large flaque qui les lie et les separe. Shanghai s’est offert une copieuse jouissance, une imposante volupte faites de chutes de reins, de muscles qui se tendent et se delient, de corps qui ondulent a vous faire tomber en pamoison.
Shanghai a ce soir eu pour la premiere fois la foi.
Une foi fievreuse et mate aux couleurs de l’eben, une foi resonant sur les marbres des eglises, la foi brute, genereuse et devouee des chanteurs de gospels…

Sous la voute du Shanghai Grand Theater, la troupe d’Alvin Ailey m’a encore une fois giflee de sa grace, me faisant pleurer comme une morveuse de 10 ans, les yeux boursoufles par tout ce genie ineffable et ce swing que j’aurai bien troque contre les battements de mon coeur.

A chaque fois que je vais voir un spectacle d’Alvin Ailey, quelle que soit la ville, quel que soit le theatre, il y a toujours une odeur de parfum exquise et pourtant tres discrete qui m’accompagne pendant toute la performance. Comme si, comme si l’elegance se devait d’embaumer les gradins et que rien de vulgaire n’avait le droit de penetrer ce temple harmonieux.
Mis a part le parfum, il y a aussi toujours ces grosses gouttes perlant au coin de mes yeux qui accompagnent la performance. La gorge serree, on se sent simplement a l’etroit dans notre petit corps tout mou, tout immobile, on se dit que nous on ne pourra jamais effleurer cette sensation divine du corps qui transcende tout pour aller chatouiller le ciel. Face a cette armee de facies metisses, de hanches brulantes sur lesquelle perlent d’opaques gouttes de transpiration et de membres finement tendus, on se dit qu’on est fichtrement trop blancs…

On nous a peint d’une seule et triste couleur… “Et pour la petite Moreau, ce sera quelle couleur ?” “Ben blanc, evidemment blanc, quelle question !”.

Quelle question et surtout quelle injustice… Eux, les danseurs d’Alvin, ils ont deja des noms qui vous donnent envie d’ecrire des romans : Linda Celeste, Guillermo Asca, Hope Boykin…
Et leur nom n’est que l’introduction, la premiere page, la majuscule. Il y a ensuite un corps cafeine qui se balance et se casse avec une legerete qui vous enivre, des pas glissant sur un sol presque celeste et une lassivite parfaitement controlee.
C’est l’essence, le coeur, la genese de la sensualite, de la sexualite, de la chair et du tempo.
Le monde est ne la, juste ici, entre les cuisses brulantes de ces missionaires.